PROLOGUE

 

 

 

 

La colonie minière de Mars, la seule que possède la Terre, a déclaré son indépendance légale, fatiguée d’être exploitée sans contrepartie. Pour la forcer à reconnaître leur autorité, les politiciens terriens ont tenté un coup de bluff. L’un d’entre eux a déclenché le tir de fusées antimatière, sans consultation populaire préalable et sans prévenir les spécialistes de l’Armée. Conséquence de ce tir sauvage, l’asservissement des fusées n’a pas été branché automatiquement, ni le système autodestructeur. Il n’y a désormais aucun moyen de rappeler les fusées…

Mars avait prévenu qu’ils possédaient également des fusées antimatière, mais les politiciens n’y ont pas cru. Devant la menace, les fusées de Mars décollent à leur tour. Sur Terre, c’est la panique, dans quelques heures, tout comme Mars, la planète va exploser, assassinée par la bêtise, l’ambition, l’orgueil des hommes. Un double suicide planétaire.

Alors qu’il se trouve en hibernation dans une clinique pour une banale opération. Cal, un logicien, est placé par son ami Giuse dans le seul moyen de transport auquel la foule n’a pas encore pensé : une capsule judiciaire servant habituellement à transporter dans l’espace les criminels de droit commun depuis que la peine de mort a été abolie. Passant très vite en accélération continue, la capsule devrait échapper aux ondes de choc de l’explosion planétaire. Elle est programmée pour naviguer dans l’espace jusqu’à la première planète habitable par l’homme. Mais on n’en a encore jamais découvert ! Giuse s’installe lui aussi dans une capsule en espérant voler à côté de celle de Cal.

Lorsque celui-ci se réveille, des millénaires plus tard, il est seul. Il orbite autour d’une planète bleue, bleue comme l’était la Terre, mais deux fois plus grosse. Trois continents, un archipel et d’immenses océans. Tout ici paraît plus grand que sur Terre. Cal se pose sur un continent, près d’une mer intérieure, et avec les divers outils que lui a procurés Giuse, il essaie de s’organiser, creusant d’abord une habitation dans un bloc rocheux où il entrepose également les archives microfilmées de l’histoire de notre civilisation, sauvées par Giuse.

Au cours d’une exploration dans la pirogue qu’il s’est fabriquée, il découvre un indigène – Louro – grand, très blond, les cheveux presque blancs, mince et bronzé ; c’est un magnifique type d’homme. Louro le conduit à sa tribu qui l’accepte. Ce sont des gens pacifiques, très individualistes, aux mœurs étonnantes. Chez les Vahussis, on pratique l’union libre, chaque femme étant seule responsable de ses enfants et pouvant avoir en même temps un mari provisoire et un ou plusieurs amants. Tout se passe très simplement, et les problèmes sexuels n’existent pas ici.

Cal tente de leur donner le sens des structures par le biais de deux sports : le football et le rugby, qui leur démontrent la nécessité de tenir compte des autres pour obtenir un résultat.

Persuadé qu’il n’a devant lui qu’une quarantaine d’années à vivre, il décide de faire son possible pour cette race d’humains. Il leur apprend à nager, leur fait découvrir la roue, la navigation, sur mer et en char à voile, invente une écriture phonétique, leur apprend à compter et à construire des bateaux assez gros. Menacée par un envahisseur venu du nord-ouest, la tribu s’apprête à fuir. Cal leur construit des arcs et les guide au combat, qu’ils remportent.

Cal a un enfant d’une Vahussie : Meztiyano. Au cours d’une longue expédition d’exploration, il découvre une base spatiale intacte gardée par des robots et réussit à prendre le contrôle de l’ordinateur central. Détenteur désormais de l’extraordinaire puissance des Loys, aujourd’hui disparus, il ne peut rien en faire… S’il dispose de moyens pour tenter de retrouver le chemin de la Terre, il ne sait depuis combien de temps celle-ci a disparu.

Il a alors l’idée de protéger et de contrôler l’évolution des Vahussis pour leur éviter tous les pièges où sont tombés les Terriens au fil des âges. Il veut à la fois guider leur civilisation matérielle, mais aussi leurs mœurs, pour tenter de faire ce que les Terriens n’ont pas su réaliser : une planète où il fait bon vivre et qui ne risque pas de mourir par le geste d’une bande de fous avides de pouvoir.

Il confie un bijou à Meztiyano pour qu’elle le remette à leur fils. De cette manière, il compte bien retrouver sa descendance plus tard, grâce à l’émetteur caché à l’intérieur. Puis il « organise » sa noyade et se retire dans la Base. Avant de se placer en hibernation, il donne des consignes à HI, l’ordinateur central, pour être réveillé si des événements, en désaccord avec un profil qu’il a tracé, survenaient.